Introduction
Au coeur d'une Europe marquée par divers chamboulements et plusieurs guerres, le Luxembourg met sur pied une armée nationale sous la direction du Roi Grand-Duc des Pays-Bas, placée au service de la Confédération germanique. Celle-ci se compose de 39 états « allemands », y compris les parties de la Prusse et de l'Autriche. Le recrutement, le casernement et l'équipement de cette troupe de 1.600 hommes, composée de Luxembourgeois conscrits et d'officiers étrangers au départ, est une entreprise difficile. La carrière exemplaire de Louis-Alphonse Munchen est emblématique de cette période allant de la Landmacht néerlandaise (1815-1839) à la Compagnie des volontaires, en passant par le Contingent fédéral luxembourgeois (1841-1866) et le Corps des chasseurs du Grand-Duché neutralisé (1868-1881).
Service militaire au Luxembourg néerlandais
Le Roi Grand-Duc Guillaume Ier (1815-1840) gouverne le Luxembourg en union personnelle avec les Pays-Bas, dont fait également partie la Belgique. À partir de 1815, il organise le recrutement de la Nationale Militie, dans laquelle environ 10.000 soldats luxembourgeois s'engagent jusqu'en 1830. Ils effectuent leur service militaire notamment à Arlon, Bouillon, Namur et Maastricht. En 1827, la Schutterij, une garde communale, est créée aux Pays-Bas pour maintenir la paix intérieure. Ses membres sont recrutés dans les villes de plus de 2.500 habitants. Au Luxembourg, elle compte 198 hommes de 25 à 35 ans sous le commandement du Gouverneur du Grand-Duché. Elle est dissoute lors de la Révolution belge.
Service militaire au Luxembourg belge
En 1830, la Révolution belge éclate à Bruxelles et trouve des compagnons d'armes au Luxembourg. Pour reconquérir la Belgique, Guillaume Ier fait intervenir le prince héritier, le futur Roi Grand-Duc Guillaume II. Le 12 août 1831, sa Campagne des Dix-Jours se termine par un armistice, suite à une médiation internationale. Par la suite, la Belgique et le Grand-Duché se séparent des Pays-Bas. Le Luxembourg est administré depuis Arlon - à l'exception de la forteresse, aux mains de la Confédération germanique depuis 1815. Désormais, des Luxembourgeois sont recrutés pour l'armée belge. En 1839, le traité de Londres divise le Grand-Duché, dont la partie francophone devient une province de la Belgique.
Naissance du Contingent fédéral
Le Luxembourg et le Limbourg doivent fournir un Contingent commun pour la Confédération germanique à partir de 1842. Le Roi Grand-Duc Guillaume II (1840-1849) s'acquitte ainsi de ses obligations militaires. Le Grand-Duché doit lever 1.036 fantassins, 188 cavaliers et 95 artilleurs. 12 officiers luxembourgeois, 16 officiers néerlandais et 11 officiers allemands sont transférés de la Landmacht néerlandaise au Contingent luxembourgeois. L'infrastructure, l'équipement et l'administration consomment jusqu'à un tiers du budget national. Le recrutement est tellement compliqué que l'artillerie et la cavalerie sont supprimées en 1846 au profit de l'infanterie légère. À partir du 1er mars 1847, il existe deux bataillons de chasseurs luxembourgeois avec 1.602 volontaires et miliciens, auxquels s'ajoutent 800 hommes de réserve et de remplacement.
L'équipement du Contingent fédéral
Afin que les énormes dépenses liées au Contingent profitent à l'économie luxembourgeoise, le gouvernement fait produire les uniformes dans son propre pays. À partir de 1843, plusieurs tissanderies et tanneries à Wiltz, Vianden, Esch-sur-Sûre, Mersch, Fels et Schleifmühl se mettent à fabriquer des tuniques, des pantalons, des imperméables, des shakos et des caleçons sur base de patrons néerlandais. Lorsque les premiers miliciens sont appelés à servir en 1844, la production d'uniformes est toujours en cours.. À partir de 1847, les chasseurs des deux bataillons sont fournis en tuniques et pantalons vert foncé à un seul rang, et coiffés d’un shako bleu barbeau.
Echternach, Diekirch, Ettelbrück comme villes de garnison
Étant donné qu’une garnison prussienne est installée dans la forteresse fédérale, les troupes sont casernées à travers le pays. À Echternach, le gouvernement achète une partie de l'ancienne abbaye, alors utilisée comme faïencerie, pour l'infanterie. À Ettelbruck, il rachète au chancelier d'État de Blochausen un domaine destiné à l'artillerie. À Diekirch, la cavalerie devait s'installer dans l'ancien couvent des Franciscains, mais faute de place, un nouveau bâtiment est construit. Après la dissolution de la cavalerie et de l'artillerie en novembre 1846, le nouveau deuxième bataillon de chasseurs s'installe à Diekirch l’année suivante. Le site d'Ettelbruck est fermé. Pendant la Révolution de 1848, des officiers luxembourgeois se dressent contre le commandant néerlandais Winckel. Les bataillons sont provisoirement dissous.
Le Contingent luxembourgeois dans la Confédération germanique
Le 2 avril 1849, le Roi Grand-Duc Guillaume III (1849-1890) rappelle les troupes placées sous le commandant luxembourgeois Pierre Mertens et constituées d’un corps d'officiers luxembourgeois. Le Contingent est inspecté par trois généraux de la Confédération en 1846, 1853, 1858 et 1863 lors de manœuvres sur les hauteurs de Beaufort, entre les lieux de garnison d'Echternach et de Diekirch. Le conseil de guerre s'y réunit également. En cas de guerre, les deux bataillons de chasseurs doivent renforcer la garnison de la forteresse fédérale, effectuer des reconnaissances dans le pays et patrouiller à l'avant de la forteresse. Avec l’alliance établie en 1849, 800 hommes du Contingent se voient contraints de s’engager dans la guerre du Schleswig contre le Danemark.
Portraits et carrières des officiers
La pratique de la photographie s’installe dans les villes de garnison : les officiers du Contingent se font régulièrement tirer le portrait lors de leurs séjours au Luxembourg, au plus tard lors des premières années de leur casernement dans la ville, de 1867 à 1870. Ils distribuent volontiers à leur entourage ces petits portraits très rares, au format « carte de visite », limités à quelques tirages en raison de leur coût. Louis-Alphonse Munchen constitue des albums où les photos échangées avec d’autres militaires côtoient des clichés de famille et d'autres connaissances. Des albums avec des insertions préfabriquées à la mesure des photographies standard deviennent à la mode.
Le Contingent est neutralisé
En 1866, la guerre austro-prussienne éclate. Adolphe de Nassau, le futur Grand-Duc de Luxembourg, s’allie avec l’Autriche. Les États fédéraux prennent militairement parti. Seuls le Luxembourg et le Limbourg restent neutres. La victoire de la Prusse met fin à la Confédération germanique. La fonction du Contingent fédéral devient alors caduque, mais les bataillons de chasseurs sont maintenus. Le traité de Londres du 11 mai 1867 décide de la neutralité du pays, du démantèlement de la forteresse et du départ de la garnison prussienne.
Le bataillon de chasseurs luxembourgeois
Le 9 septembre 1867, après le départ de la garnison prussienne, les deux bataillons de chasseurs d'Echternach et de Diekirch, placés sous les ordres du Major-Commandant Edouard van Heemskerck, font solennellement leur entrée dans la capitale, décorée de drapeaux. Ils sont transférés dans les casernes de la Porte-Neuve et du Saint-Esprit. Le 18 mai 1868, les chasseurs sont réduits à un bataillon formé, comme auparavant, de volontaires et de miliciens. Désormais, 18 officiers et 587 sous-officiers et soldats vêtus d'un nouvel uniforme vert pomme assurent la sécurité et l'ordre dans le Grand-Duché neutre.
Les premiers officiers de la Compagnie des volontaires
Le 16 février 1881, le corps des chasseurs et la milice, dans laquelle 11.555 soldats se sont engagés depuis 1840, sont supprimés. À la place, la force armée est constituée d'un seul commandement composé d'une compagnie de gendarmes et de volontaires sur le plateau du Saint-Esprit. Louis-Alphonse Munchen démissionne le 7 mars, mais décède subitement le dernier jour de son service. Pour de nombreux officiers et soldats, la transition entre le Contingent fédéral, le Corps des chasseurs et la Compagnie des volontaires se fait également sans heurts. Ils continuent à s'engager, de sorte que leurs carrières s'étendent sur plus d'un demi-siècle. En 1890, Adolphe de Nassau succède à Guillaume III en tant que Grand-Duc (1890-1905) et devient le commandant en chef de l'armée luxembourgeoise.