Le projet de cet artiste anonyme, qui signe C. A., est daté de 1868. Il devrait s’agir de l’architecte de l’État Charles Arendt (1825-1910) qui avait un faible pour l’histoire. Notre Jacques-Louis David local montre avec un certain charme l’allégorie de cette autonomie, même si le rendu est plutôt gauche, surtout en ce qui concerne la représentation d’angelots et autres génies. Le tout est assez surchargé, dans un amalgame de symboles qui peuvent se contredire. L’allégorie illustre pour ainsi dire l’article premier du traité de Londres : S. M. le Roi des Pays-Bas, Grand-Duc de Luxembourg, maintient les liens qui attachent ledit Grand-Duché à la Maison d’Orange-Nassau […] L’allégorie de l’autonomie luxembourgeoise ou du traité de Londres, voire une symbiose des deux, vêtue à l’antique telle une vestale, trône au centre. Elle a pris place sous un W doré (Willem, c.à.d. Guillaume III, Roi des Pays-Bas et Grand-Duc de Luxembourg), monté au-dessus de la devise de la maison de Nassau, Je maintiendrai, le tout couronné par deux angelots. Elle porte, tel Moïse, les dix commandements, une tablette avec une inscription dorée qui associe Traité de Londres 1867 et Autonomie luxembourgeoise. Cette brave allégorie se trouve ainsi bien encombrée avec tout ce qu’elle doit encore tenir par ailleurs : une branche de laurier comme symbole de paix ainsi que l’écusson avec le lion du Grand-Duché. Au fond se trouvent, tel un trophée militaire, sept drapeaux qui devaient représenter les puissances signataires qui garantissent le statut du Luxembourg. Elle est entourée de deux licteurs musclés, aux torses nus, sortis tout droit de l’Antiquité romaine, qui la protègent. Un licteur était un officier public qui accompagnait un magistrat de haut rang et était le signe visible de son autorité. Il le précédait lors de ses déplacements dans la ville et écartait la foule. Un consul avait droit à douze licteurs, tandis que les édiles curules et préfets de la ville en avaient seulement deux, et une vestale – et oui ! – un seul. Ils portaient des faisceaux constitués par l’assemblage de fines et longues verges liées autour d’une hache par des lanières, regroupant ainsi deux instruments de punition, attributs de la fonction des hauts magistrats romains. Notons que sur notre image, seul le faisceau du premier porte une hache. Si ce n’est pas un hasard dû à la composition, l’auteur a pu songer à représenter l’autorité aussi bien dans la ville (sans hache), qu’à l’extérieur de celle-ci. Ce symbole du faisceau était très en vogue au XIXe siècle. Il sera notamment repris par la République française qui le réinterprétera : le faisceau représente désormais l’union et la force des citoyens français réunis pour défendre la liberté, la république étant une et indivisible tel un faisceau – ce qui ne correspond pas vraiment à l’idée d’une monarchie. À ses pieds, les putti s’agitent tel des enfants et représentent la science à droite, l’art à gauche (ils sont assis sur des petits trépieds), le commerce en Mercure ailé, l’industrie avec ses roues dentées au milieu et l’agriculture comme un petit Bacchus. Le tout sur un sol soigneusement dallé de pierres de taille. Le motif sera repris sans aucune modification et placé tel un tableau d’autel dans un cadre au milieu du calendrier édité par C. Rosbach à Luxembourg pour l’année 1869.
(François Reinert)